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Le Pdt du CNO s'engage

27 - 09 - 2014

Discours de Christian COUZINOU, Président du conseil national de l'ordre au cocktail de rentrée de l'ordre le 25 septembre 2014

Mes chères consoeurs et confrères, je dois vous avouer que je trouve cette soirée très « fin de régime ». Pour être honnête, je m'y attendais un peu. Je le redoutais. J'ai même songé à annuler cette soirée … Mais cette soirée se tient ! Alors, Mes chères consoeurs, mes chers confrères, j'ai le regret de vous dire que vous êtes des privilégiés. Et c'est très mal. Rassurez-vous, vous n'êtes pas des privilégiés au motif que vous exerceriez une profession médicale : vous n'avez pas hérité de votre diplôme, et vous n'avez pas acheté votre titre de docteur. Non, vous êtes des privilégiés car vous appartenez (attention, je vais prononcer un gros mot), vous appartenez à une PROFESSION REGLEMENTEE. Ou, plus exactement, vous appartenez ENCORE à une profession réglementée.

J'ai rencontré aujourd'hui à Bercy des hauts fonctionnaires qui m'ont éclairé sur le vrai sens des choses. Ils ont une sorte d'Index terminologique, c'est un peu comme au Vatican. Quand vous le feuilletez et que vous arrivez à « Profession réglementée » cela vous renvoie aux mots : « entente », « monopole », etc. Pour un peu, nous serions membres d'un cartel. Alors, bien sûr, nous ne sommes pas les seuls. Il y a le cartel des notaires, le cartel des pharmaciens, le cartel des sages-femmes, etc. Et puis il y a le cartel des chirurgiens-dentistes. Quand vous expliquez à Bercy que, depuis plus de 50 ans, un socle juridique s'est constitué pour fonder un « droit de la santé ». Quand vous expliquez que ce droit s'est construit d'abord et avant tout pour protéger le patient, eh bien Bercy est soudainement frappé de surdité. Bercy se moque de la protection du patient. Ce qui intéresse Bercy, c'est de libérer le consommateur. Et tant pis pour le patient.

Non, nous ne sommes pas des privilégiés. Nous sommes fiers, et la France peut être fière, d'avoir un droit de la santé. Nous, Ordre des chirurgiens-dentistes, nous sommes fiers d'oeuvrer pour faire en sorte que, lorsqu'un patient entre dans un cabinet dentaire, il sait que le praticien qui est en face de lui possède les compétences et la capacité pour exercer. Cela s'appelle la confiance que l'on porte dans une profession médicale. Et c'est exactement à cela que sert l'institution ordinale : garantir et maintenir cette confiance des patients envers une profession médicale.

Vous le savez, Bercy veut libérer l'entrée au capital des SEL. Son but est de faire entrer notre activité dans le jeu classique de la concurrence, avec l'objectif affiché de faire baisser les prix. Cette réforme, ajoutée à la suppression du numerus clausus des études odontologiques, correspond à une vision marchande de la santé bucco-dentaire. Regardez la réalité du (je le mets entre parenthèse) « marché » des soins dentaires en Espagne, où il n'existe pas de numerus clausus et où la guerre des prix fait rage au détriment de la santé de la population. Chacun sait ici d'où viendront les capitaux qui seraient investie dans les SEL de chirurgiens-dentistes. Car le rêve de Bercy, qui se garde bien de prononcer le mot, c'est d'installer un système de HMO à la française. Bercy rêve d'une France bucco-dentaire composée d'une armée de petites mains salariées par des sociétés d'assurance. Voilà la voie que veulent nous faire emprunter nos élites économiques : ouvrir l'offre de soins aux assureurs privés. Avec les exigences de rentabilité que cela induit, la perte consécutive de notre indépendance professionnelle, la baisse de la qualité et de la sécurité des soins.

Les dérives d'un tel système sont connues car les assurances sont dans une logique de « gestion des risques » et du retour sur capitaux investis. En creux, il y a d'ailleurs presque un aveu de la part de Bercy. En même temps qu'il avance cette proposition de libéralisation du capital des SEL, Bercy nous explique qu'il faudra, dans le même temps, renforcer les prérogatives des Ordres. Nous en sommes très flattés, mais cela ressemble à un cautère sur une jambe de bois. D'un côté on lâche les fauves, de l'autre, on distribue des pétoires à gauche et à droite. Cherchez l'erreur.

Or, il se trouve que ces dérives, que j'évoquais, nous les connaissons déjà. Car il existe dans notre pays une sorte de laboratoire de l'offre de soins dentaires telle que le rêve Bercy, ce sont les centres low cost. L'Ordre affronte chaque jour les petits arrangements des centres low cost avec les règles de la déontologie, de la concurrence et de la fiscalité. Toutes les affaires, je dis bien toutes les affaires, qui ont été portées par l'institution ordinale devant les juridictions civiles, ont débouché sur des condamnations des centres low cost. Mais ce n'est là que le premier volet de notre stratégie judiciaire, qui s'en tient pour l'instant à la question de la publicité de ces officines. Vous le savez, nous combattons sur ce front depuis maintenant deux ans.

Mais il reste maintenant à traiter du principal : la protection du patient contre le sur-traitement et les mutilations qui en découlent. Et cela, mes chères consoeurs et chers confrères, c'est une tout autre histoire. Si, pour la publicité prohibée et la concurrence déloyale, la réactivité de l'Ordre, par l'intermédiaire de Maître Vicelli, est immédiate, avec des procédures à jour fixe devant les juridictions civiles, il n'en est pas de même s'agissant de la protection du patient, qui est pour nous un combat central.

Pour bâtir des dossiers solides, nous devons réunir des preuves, solliciter les patients mutilés, décrypter les montages financiers et capitalistiques de ces officines, qui se présentent, vous le savez, comme des associations. Cela ne va pas de soi. Le résultat est qu'aujourd'hui, les patients mutilés sont livrés à eux-mêmes et s'en remettent à l'Ordre. Voilà pourquoi cette France de la santé bucco-dentaire low cost, qui est aujourd'hui la vision de Bercy, doit être combattue avec fermeté. On ne peut pas livrer à la seule loi du « marché » la santé des gens.

Pour conclure, je voudrais enfin évoquer le grand absent de cette séquence qui vient de s'ouvrir avec la réforme annoncée de notre profession réglementée. Nous voulons parler du ministère de la Santé. Il nous a pourtant entendu lorsque nous avons plaidé auprès de lui, et avec succès, pour la création de l'internat en odontologie avec trois spécialités. Il nous a entendu sur l'extension des contrats d'engagement de service public (les CESP) aux étudiants en odontologie. A ce propos, je voudrai remercier Mme Soufflet Carpentier qui nous a beaucoup aidé sur ce dossier. Nous avions fait le pari que tous les CESP mis à la disposition des étudiants en odontologie trouveraient preneur. Les évènements nous ont donné raison.

Un autre succès nous est cher : il semblerait que notre ministère de tutelle soit d'accord pour enfin inscrire les assistantes dentaires au CSP dans le cadre de la loi de santé publique qui sera discutée au parlement. On n'a malheureusement pas entendu sa voix sur la réforme de notre profession. Aujourd'hui, son silence devient assourdissant. Je vous remercie.

Christian COUZINOUPrésident du Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes

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