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Covid-19 : Mise à jour scientifique

30 - 03 - 2020

A la date du 29 Mars 2020, notre conseiller scientifique, Christophe Teillaud, nous propose un état des lieux scientifique sur ce virus et la maladie Covid-19. En tant que professionnel de santé, cette mise à jour doit être connue par l'ensemble de nos consoeurs et confrères.   Le nouveau coronavirus Le SARS-CoV2 (appelé initialement 2019-nCoV) est un virus émergent apparu en Chine en décembre 2019. Ce nouveau coronavirus, probablement d’origine animal (animal réservoir : la chauve-souris ; animal intermédiaire : peut-être le pangolin) est responsable d’une pneumonie aiguë sévère appelée Covid-19. C’est un virus extrêmement contagieux, ce qui explique sa diffusion à travers le monde, l’OMS ayant déclaré l’état de pandémie le 11 mars 2020. L’OMS estime à plus de 665 000 cas confirmés à travers le monde, et plus de 30 000 morts à la date du 29 mars 2020.    La maladie Covid-19  Il s’agit d’une pneumopathie sévère dont la durée d’incubation est en moyenne de 5 jours. Les symptômes les plus fréquents sont : la fièvre, une toux sèche, myalgies et asthénie, des difficultés respiratoires, des maux de tête. D’autres signes moins fréquents surviennent aussi : une perte de l’odorat (anosmie subite) et une perte du goût. Plus de 80% des cas sont des formes modérées, 15 % des cas confirmés sont des formes graves (la mortalité liée au Covid-19 est de 2%). L’évolution clinique est parfois très sévère se traduisant par une gène respiratoire et des douleurs thoraciques justifiant une prise en charge hospitalière dans un service de réanimation (environ 5% des cas, dont le taux de mortalité atteint 60% à 70%). Les formes les plus graves s’observent dans des situations de co-morbidité (diabète non équilibré, hypertension artérielle, immuno-dépression congénitale ou acquise, obésité morbide…) et chez les personnes âgées (plus de 70 ans), les personnes jeunes étant très rarement atteintes. Dans certains cas le Covid-19 peut être asymptomatique.   La transmission du SARS-CoV2 est directe par inhalation de gouttelettes lors de la toux ou d’éternuements par le patient ou par contact (bouche, nez, muqueuses des yeux). La transmission manu-portée est possible, surtout à partir des surfaces fraichement contaminées. Le SARS-CoV2 survit plusieurs heures jusqu’à quelques jours selon les surfaces (par exemple 3 jours sur du plastique). En moyenne chaque malade contamine 2 à 3 personnes.   Enquête épidémiologique de la dissémination du virus en Europe (site de l’OMS) L’épidémie partie de la ville de Hunan (province d’Hubei) en décembre 2019, s’est étendue à plusieurs régions de la Chine puis progressivement à d’autres pays du monde. En Europe, l’OMS considère que l’épidémie a démarré en Autriche et en Italie. Il y a actuellement plus de 360 000 cas en Europe, dont 21000 décès (OMS). L’un des serveurs d’un bar de la ville d’Ichgl (Tyroll autrichien) a contaminé ses collègues et les centaines de touristes repartis ensuite en Islande, en Norvège, en Allemagne et au Danemark. Plus de 400 personnes de cette station de sports d’hiver (qui compte 1500 habitants) ont été contaminés. La même situation s’est produite à Milan, le 19 février, à la suite d’un match de football opposant le club de la ville de Bergame au club de Valence. Les supporters de la ville de Bergame ont, à leur retour, contaminés les habitants de cette ville de Lombardie. L’épidémie a diffusé dans tout le nord de l’Italie entraînant une situation explosive dans les hôpitaux italiens (plus de 10000 morts actuellement). Les supporters de Valence ont propagé le coronavirus en Espagne (6500 morts actuellement). En France, les premiers cas de Covid-19 se sont déclarés dès le mois de janvier. En février, plusieurs foyers épidémiques sont apparus dans l’Oise, en Haute-Savoie et dans les départements d’Alsace-Moselle. A la suite d’un rassemblement de l’Eglise évangélique à Mulhouse (1000 fidèles contaminés) l’épidémie s’est étendue progressivement à d’autres villes de l’Alsace-Moselle et de la France, y compris en Outre-mer. D’abord au stade 2 de l’épidémie (foyers isolés), la France est passée au stade 3 (circulation du virus dans tout l’hexagone) le 14 mars 2020. La France compte, au 29 mars 2020, plus de 37000 cas Covid-19 dont plus de 2300 décès (sans compter les décès en Ehpad).   Les moyens de diagnostic Après validation par le Samu et par un infectiologue référent d’un cas probable de Covid-19, un test de diagnostic* est effectué dans un établissement de santé de référence. Ce test consiste à détecter le virus dans des prélèvements respiratoires (naso-pharyngés) de patient présentant des symptômes de détresse respiratoire aiguë. Il s’agit d’un test de RT-PCR (Reverse Transcritpase-Polymerase Chain Reaction) qui permet l’amplification du génome (ARN) du coronavirus. Il n’existe pas, actuellement, de test sérologique de routine permettant de détecter la présence d’anticorps dirigés contre le SARS-CoV2. La tomodensitométrie thoracique réalisée chez des patients suspectés ou confirmés pour le Covid-19, complète les analyses clinique et biologique. Les images obtenues montrent une atteinte pulmonaire bilatérale caractéristique de cette infection respiratoire aiguë (opacités en verre dépoli). Dans les cas graves cliniquement, des condensations alvéolaires étendues sont observées.    Les traitements Seules des mesures préventives permettent d’éviter l’infection car il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement spécifique curatif du Covid-19. En France, des essais cliniques sont menés par différentes équipes médicales des hôpitaux en lien avec des équipes de recherche (Institut Pasteur, Inserm,…). Certains traitements ont pour objectif de  bloquer la pénétration du SARS-CoV2 dans les cellules cibles pulmonaires, qui expriment à leur membrane une protéine appelée ACE2 (récepteur de l’angiotensine). D’autres traitements consistent à bloquer la réplication du coronavirus. Au niveau Européen, un essai clinique baptisé Discovery incluant quatre traitements expérimentaux contre le Covid-19 concernera plus de 800 patients français atteints de formes sévères de Covid-19. L’efficacité du traitement (attribué de façon aléatoire mais connu des patients et des médecins) fera l’objet d’une évaluation au bout de 15 jours. Les traitements proposés sont des antiviraux connus pour leur efficacité dans d’autres maladies virales : 

  • le remdevisir, 
  • le lopinavir associé au ritonavir, 
  • le lopinavir associé au ritonavir et à l’interféron bêta
  • l’hydroxy-chloroquine

Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a récemment publié un avis sur les différents moyens thérapeutiques et sanitaires à mettre en oeuvre pour combattre cette épidémie, notamment par le confinement de la population. Historiquement, dès le moyen-âge, la mise à l’écart des personnes durant quarante jours (quarantaine) avait pour but d’empêcher la transmission de maladies supposées contagieuses (comme la peste noire), il s’agit d’un isolement sanitaire forcé des populations. En Chine, les mesures de confinement débutées en janvier ont porté leur fruit, car le nombre de cas de Covid-19 est en régression, ce qui a conduit les autorités chinoises à lever ces mesures coercitives. En France, le confinement de la population (nommée aussi distanciation sociale), a démarré le 17 mars par décision du Président de la République prenant avis du Conseil Scientifique** créé à cette occasion. La durée de ce confinement fixé initialement à 15 jours a été prolongé de 15 jours à partir du 27 mars. L’un des objectifs du confinement est d’éviter l’embolie des hôpitaux, notamment des services de réanimation (qui manquent de matériel de ventilation), due à une arrivée massive de cas graves nécessitant une prise en charge très lourde.     Les antiviraux Ces médicaments sont utilisés pour la prévention et le traitement précoce des maladies virales comme la grippe, ils réduisent la capacité d’un virus à se multiplier. Plusieurs antiviraux font l’objet d’essais thérapeutiques dans le traitement du Covid-19. 

  •   Le remdesivir est un antiviral qui a été utilisé dans le traitement de la maladie à virus Ebola. Il agit comme analogue de l’adénosine, bloquant la réplication du virus. Il est testé actuellement dans les formes graves du Covid-19. Les effets secondaires sont nombreux (hypertension artérielle, atteinte des fonctions hépatique et rénale), ce qui nécessite un contrôle strict du traitement.
  •   Le Lopinavir associé au Ritonavir semblent avoir une efficacité contre le SARS-CoV2 comme l’indique des études récentes faisant état d’un baisse de la charge virale. Cette association est utilisée dans le traitement de l’infection par le VIH-1 avec succès depuis plus de vingt ans. Des atteintes du foie, du pancréas et des troubles du rythme cardiaque sont des effets indésirables possibles. Des risques d’interactions médicamenteuses existent, notamment avec les médicaments sédatifs. Les résultats montrent qu’un traitement par lopinavir/ritonavir n'apporte pas de bénéfice par rapport au traitement standard chez des patients hospitalisés pour une forme grave de Covid-19. Il n'est pas exclu que l’association lopinavir/ritonavir puisse avoir une efficacité si le traitement est entrepris tôt dans l'évolution de la maladie.
  • L’hydroxychloroquine et l’azythromycine : Des essais thérapeutiques sont menés avec l’hydroxy-chloroquine associée ou non, selon la situation clinique des patients, à l’azythromycine dans le traitement du Covid-19. L’hydroxy-chloroquine (Plaquenil®) (produit dérivé de la plante quinquina, découverte en Amérique du Sud au XVIIe siècle) a été utilisée pendant des décennies dans le traitement préventif et curatif du paludisme, néanmoins l’OMS ne recommande plus ce traitement dans certains pays du fait de la résistance du Plasmodium au Plaquenil®. La biothérapie de certaines maladies auto-immunes comme le lupus érythémateux disséminé, ou la polyarthrite rhumatoïde, avec de l’hydroxy-chloroquine est basée sur ses effets anti-inflammatoires. L’hydroxy-chloroquine diminue les taux de TNF-α, d’IL-6, qui sont des cytokines responsables de l’amplification de la réaction inflammatoire (certains cas graves de Covid-19 se traduisent par un choc cytokinique, c’est à dire par la libération massive de cytokines potentiellement mortelle). D’autres effets de l’hydroxy-chloroquine sont connus : antithrombotique, diminution du cholestérol, de la glycémie. Les effets anti-viraux sont liés à l’augmentation du pH dans les cellules cibles, ce qui bloque la fusion du coronavirus.

 

IHU – Méditerranée Infection

Les résultats publiés par l’équipe du Professeur Raoult (Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée Infection à Marseille) montrent une réduction/disparition significative de la charge virale des patients inclus dans cette étude, l’azythromycine renforçant cet effet.  Une controverse existe au sein de la communauté scientifique et hospitalière sur le bénéfice obtenu avec ce traitement, d’une part à cause du faible nombre de patients inclus dans cette première étude clinique (20 cas) et d’autre part à cause des effets secondaires potentiels liés à l’hydroxy-chloroquine (risques cardiaques, …). De plus, le très faible niveau de preuve de ces études cliniques ajoute aux fortes réserves exprimées par une partie du monde médical sur l’utilisation de l’hydroxy-chloroquine dans le traitement du Covid-19, c’est pourquoi tous les moyens nécessaires doivent être mobilisés pour la réalisation d’essais démonstratifs. Le gouvernement Français a pris la décision d’autoriser la prescription de l’hydroxy-chloroquine dans un cadre médical bien défini pour la réalisation de ces essais cliniques.  La prudence est donc de mise en l’état actuel de nos connaissances sur l’efficacité du  traitement du Covid-19 par l’hydroxy-chloroquine.   Immuno-modulateurs Des anticorps monoclonaux (tocilizumab) qui inhibent le récepteur de l’IL-6 (l’IL-6 est une cytokine impliquée dans le développement de la réponse inflammatoire)  sont réservés aux essais cliniques. Ils sont sensés diminuer la réponse immunitaire et inflammatoire.   Anti-inflammatoires et molécules à effets anti-inflammatoires Les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les corticoïdes sont contre-indiqués pour le traitement des symptômes du Covid-19.   La vaccination La mise au point d’un vaccin contre le SARS-CoV2 est en cours, mais celui-ci ne sera pas disponible avant au moins une année. La vaccination est le meilleur moyen de prévention contre les infections virales (comme la grippe) par stimulation contrôlée de la production d’anticorps neutralisants, conférant une immunisation contre le SARS-CoV2.   Moyens préventifs et gestes barrières  Le lavage des mains plusieurs fois par jour est la plus simple méthode de prévention pour éviter la contamination croisée, notamment après s’être mouché, éternué ou toussé. Le savon liquide est à privilégier pendant 30 secondes, suivi d’un rinçage et du séchage avec des serviettes propres ou des essuie mains eux-mêmes fréquemment lavés à 60°C en machine.   L’utilisation de solutions et de gels hydro-alcooliques (norme NF EN 14476) en l’absence de point d’eau disponible, est recommandée par l’ANSM. A défaut, peuvent être utilisés : l’alcool éthylique (ou éthanol), l’alcool propylique et isopropylique (de concentration comprise entre 60% et 70%). Tous ces produits s’utilisent sur des mains non souillées par friction pendant au moins 30 secondes. Le SARS-CoV2 est sensible à l’hypochlorite de sodium (eau de Javel) à 0,1 %, aux composés organo-chlorés à 0,1 %, aux iodophores à 10 %, et au glutaraldéhyde à 2 %, aux composés d’ammonium quaternaire à 0,04 % et aux dérivés phénoliques. Pour les professionnels de santé libéraux, le HCSP considère que l’élimination des déchets contaminés ou susceptibles d’être contaminés par le SARS-CoV2 doit suivre la filière classique des ordures ménagères. Les masques, mouchoirs à usage unique et bandeaux de nettoyage des surfaces, sont placés dans un sac plastique pour ordures ménagères dédié, opaque, disposant d’un système de fermeture fonctionnel (liens traditionnels ou liens coulissants) et d’un volume adapté (30 litres au maximum).   CONCLUSION GÉNÉRALE Face à cette pandémie, des mesures exceptionnelles de confinement ont été prises en France comme dans d’autres pays du monde. Celles-ci portent leur fruit, car l’épidémie a atteint en Chine son pic et semble régresser, amenant les autorités chinoises à alléger progressivement le dispositif de confinement. En France, face à la situation épidémique actuelle, le HCSP recommande fortement la mise en place d’essais cliniques qui permettront d’évaluer le plus rapidement possible les différentes possibilités de traitement (antiviraux, anti-IL6, interféron bêta, corticoïdes). Notre activité de soignant est directement affectée par cette épidémie et les différentes mesures et recommandations gouvernementales. Le Conseil National de l’Ordre des chirurgiens-dentistes a adressé à l’ensemble des chirurgiens-dentistes des recommandations indiquant que l’activité des cabinets devaient se limiter à la seule prise en charge des urgences. La prise en charge de nos patients ne peut se faire que par l’organisation d’une régulation des urgences dans le respect très strict des règles sanitaires actuellement en vigueur.       Par Christophe Teillaud, Conseiller scientifique de l’Union Dentaire, Diplômé de l’Institut Pasteur de Paris     *Test développé par le Centre national de référence des virus des infections respiratoires (dont la grippe) de l’Institut Pasteur. **Le conseil scientifique mis en place par le gouvernement est composé de dix membres : le Professeur Delfraissy (Président), des infectiologues (Pr Lina, Dr Malvy, Pr Yazdanpanah), un épidémiologiste (Arnaud Fontanet, Institut Pasteur), un modélisateur (Simon Cauchemez, Institut Pasteur), Pr Pierre-Louis Druais, une réanimatrice (Dr Bouadma), un anthropologue (Dr Atlani-Duault), le Dr Didier Raoult participe aux discussions (directeur de l'IHU Méditerranée Infection).      Références et sites à consulter « Avis relatif aux recommandations thérapeutiques dans la prise en charge du Covid-19 ». Haut Conseil de la Santé Publique. 23 mars 2020.  « Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial ». Gautret P et coll., et Raoult D. Int J Antimicrob Agents. March 2020. ANSMInstitut PasteurOMSSanté publique France

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